C'est avec une profonde tristesse que nous vous annonçons le décès de la résistante, poète, écrivain, journaliste et correspondante de guerre Madeleine Riffaud. Il est survenu ce jour à son domicile parisien. Madeleine avait 100 ans.
On peut être spectateur de sa vie, subir les événements, n'être que le témoin des bouleversements qui nous entourent. Très tôt, Madeleine Riffaud a, quant à elle, décidé d'être actrice de son existence. Née le 23 août 1924 à Arvillers (Somme), Madeleine développe une force de caractère qui la pousse à vouloir résister aux Allemands dès 1940, alors qu'elle n'a que 16 ans. Après un séjour de quelques mois en sanatorium en Isère, elle se rend à Paris en 1942 pour entrer dans la Résistance intérieure. Avec comme nom de guerre Rainer, en hommage à l'écrivain autrichien Rainer Maria Rilke, Madeleine enchaîne les missions, apprend toutes les ficelles des combattants clandestins, grimpe quatre à quatre les échelons dans l'organisation. En 1944, elle intègre les FTP (Francs-tireurs et partisans). En juillet de la même année, elle abat un officier allemand en plein jour sur le pont de Solférino. Par malheur, elle est immédiatement arrêtée par la milice, qui la livre à la Gestapo. Après plusieurs semaines de torture pendant lesquelles Madeleine ne parle pas, elle est condamnée à mort. Le 15 août, elle parvient à s'échapper du « convoi des 57 000 », dernier convoi de déportés politiques parti de Paris pour Buchenwald et Ravensbrück. Le 19 août, elle est de nouveau opérationnelle pour participer à l'insurrection parisienne, dans le 19e arrondissement. À la tête d'un détachement de trois hommes, elle stoppe un train de soldats allemands dans le tunnel des Buttes-Chaumont et fait 80 prisonniers. Puis elle participe à l'âpre bataille autour de la place de la République, prend fin la libération de Paris. Elle tente alors, comme ses compagnons d'armes, de s'engager dans l'armée régulière pour continuer le combat jusqu'en Allemagne. Mineure (elle n'a pas encore 21 ans) et tuberculeuse, elle est éconduite. La guerre est terminée pour elle, la laissant brisée par les semaines de torture et les troubles de stress post-traumatique. L'écrivain Claude Roy, qu'elle avait croisé au sanatorium, lui présente Paul Éluard, qui la prend sous son aile. L'auteur du poème Liberté est frappé à la fois par l'état d'épuisement extrême de la jeune femme et par les poèmes qu'elle a écrits pendant la guerre. Il lui présente Picasso, Vercors, et publie ses compositions dans L'Éternelle Revue. Grâce à Éluard, elle commence une carrière de journaliste, d'abord dans Ce Soir, dirigé par Louis Aragon, puis dans La Vie ouvrière, hebdomadaire de la CGT. Madeleine couvre les grèves nationales de 1947 et celles des mineurs de 1948. En 1954, elle part au Viêt-Nam pour surveiller la bonne application des accords de Genève. Elle se marie avec le poète Nguyên Đình Thi, qu'elle a rencontré au festival de la jeunesse de Berlin, 3 ans auparavant. Elle retrouve Hô Chi Minh qu'elle a rencontré à Paris en 1946. Les couples mixtes étant interdits par les Chinois qui ont pris le pouvoir en sous-main, elle rentre en France, en 1955. Elle reprend pied avec le journalisme. En 1957, Madeleine intègre le quotidien L'Humanité pour couvrir la guerre d'Algérie. Dans ses articles, elle dénonce les rafles qui ont lieu à Paris, la torture des opposants algériens rue des Saussaies, dans les mêmes locaux où elle a été torturée en 1944, le massacre du 17 octobre 1961. Elle se rend régulièrement en Algérie, souvent clandestinement pour échapper à l'OAS (Organisation de l'armée secrète) qui l'a condamnée à mort. En 1962, de passage à Oran, elle est victime d'un attentat : un camion militaire percute frontalement sa voiture. Brisée en 1000 morceaux, elle passe plusieurs mois sur un lit d'hôpital en Suisse. En 1964, elle retourne au Viêt-Nam, pendant plusieurs semaines dans les maquis Viêt-Cong. Elle y retournera jusqu'à la fin du conflit en 1973. De cette expérience sur le terrain, elle tire les livres Dans les maquis vietcong, et Au Nord-Viêt-Nam (écrit sous les bombes). En 1974, marquée par l'hospitalisation et le décès de sa mère, Madeleine décide de dénoncer les conditions de travail du personnel hospitalier en France. Forte de sa formation de sage-femme pendant la guerre, elle se fait embaucher comme aide-soignante sous un faux nom et travaille pendant un mois dans plusieurs hôpitaux. Cette enquête donne lieu à un livre, Les Linges de la nuit, publié en 1974, qui se vend à un million d'exemplaires. Dédiée toute sa vie à celles et ceux qui souffrent, Madeleine se consacre à partir de 1994 à la mémoire des Résistants morts pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale. Longtemps, elle refusa de revenir sur ces années sombres. Mais pour le cinquantenaire de la Libération, Raymond Aubrac la convainc de raconter aux jeunes générations son expérience de la Résistance, en souvenir de ses camarades disparus. Depuis, elle n'a cessé de transmettre sa mémoire. Poète, écrivain, journaliste, parolière, elle devient scénariste de bande dessinée à 97 ans en publiant son autobiographie « Madeleine, résistante » scénarisée par JD Morvan et dessinée par Dominique Bertail (Dupuis).
Elle s'est éteinte ce matin, paisiblement dans son lit entourée de ses proches.
Nous pensons particulièrement à Philippe D., Éloïse, Ana, Samir, Ray, Liliane, Michel, Jorge, Philippe R., Robert, ses filleuls Benoît et Colin, Nadia, Babette, Jean-Marc, Mathieu, Dominique et JD...
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